Le jardin de Saint Anthelme représente la concrétisation de mes concepts en tant que paysagiste.
Tous d’abord, prendre une distance avec l’imagerie traditionnelle de l’archétype du paysage qui renvoie au 19e siècle, avec une campagne toujours faite de colline, de l’eau toujours en cascade, d’une nature toujours sinueuse.
Le paysage n’est pas la création d’un « beau décors » jouxtant d’autres décors sans en tenir compte. C’est d’abord une analyse objective d’un paysage pré-existant, avec la volonté de changer que le moins de chose possible, et donc d’avoir comme but d’assembler ses paysages ensembles pour leurs donner une cohérence et homogénéité.
La dimension perçue doit elle aussi être prise en compte. L’admiration des grands projets, du toujours plus, ont créé dans le paysage, le même défaut que dans l’architecture : celui de la démesure. L’échelle humaine doit être retrouvée. L’homme doit recréer un lien avec son environnement immédiat. Un sentiment que l’on assimile avec celui de la plénitude spirituelle.
Je ne suis pas entrain de dire que contempler une montagne ou un environnement naturel grandiose ne soit pas spirituel, mais il existe toujours un lien entre ce « grandiose » et l’homme, qui est celui d’un paysage a taille humaine.
Reproduite à l’échelle d’un jardin, c’est l’idée d’îlot appliqué dans le jardin de Saint Anthelme avec comme espace le plus grand, le cercle central (théâtre de verdure), cercle de 10m de diamètre entouré de champs. C’est un cercle d’herbes tondus (gazon) entouré de prairie.
http://emmanuelcoux.over-blog.com/article-du-jardin-partage-au-jardin-en-mouvement-118289552.html
Ce cercle, n’est que le lien immédiat, la « protection » envers le monde extérieur, comme une clôture. Ce monde extérieur est le reste du jardin, notamment les grands arbres, puis l’extérieur du jardin (les autres propriétés et les immeubles du clos moncel), et enfin, la montagne de parve en arrière plan.
Cependant, l’important a été de redéfinir l’échelle, de fractionner la parcelle à aménager en différents îlots, cohérents entre eux, comme différents jardins.
C’est créer un contraste entre l’endroit où l’on va et celui où on ne va pas. Là où la végétation est luxuriante nous apparaît comme une barrière : il faut défricher pour passer ; nous ne sommes pas enclin a y aller. Ils délimitent une barrière géographique. Les endroits tondus, taillés sont des lieu rassurants où l’on déambule. Mais la déambulation vient de l’inexistence de végétation. En effet, nos corps prennent la place du mètre d’herbe enlevé lors de la tonte.
L’espace vide est celui qui a été taillé et tondu. Il n’existe plus. Nous prenons sa place. Le jardin n’existe que dans sa périphérie, là où ce n’est pas taillé ni tondu. Les espaces inter-îlots sont donc des volumes qui n’ont pas comme vocation d’être des espaces remplacés par nous.
Ces espaces inter-îlots font aussi le lien entre notre environnement immédiat et le paysage d’arrière plan, d’où la progression de volume et de taille. De la hauteur du gazon à la hauteur de l’arbre puis de la montagne.
L’idée forte du jardin de Saint Anthelme est que le paysage ne vient pas du vide (espace taillé et tondu) mais du plein (espace inter-îlots), volumineux, car l’herbe a poussé, et très fleuri. La diversité des fleurs est importante et toujours surprenante. C’est aussi un espace sauvage plein de vie, de liberté. C’est le jardin en mouvement.
L’espace de l’îlot est donc conditionné par la taille humaine. Ni trop grand comme nous l’avons vu, ni trop petit : instinctivement, l’homme a besoin d’être prévenu du danger donc d’avoir le temps de se stresser et de fuir. Je prends l’exemple imaginaire du guépard qui sort hors des herbes. Le terrain ouvert doit être assez grand pour avoir une distance de sécurité entre moi et le bord du champs.
Les plus petits espaces impliquent une maitrise de l’extérieur de l’îlot (par exemple, bordure d’une falaise inaccessible où on sait que le danger ne viendra jamais de ce côté ou comme dans le jardin de Saint Anthelme, un lieu de replis ou se réfugier, ici arbre).
L’espace de l’îlot peut être colonisé par un jardin potager où l’on a une maîtrise complète de l’homme sur les végétaux. C’est aussi un lien direct avec la terre nourricière. La taille et l’importance des légumes deviendront alors le point focal de l’attention. Lien direct avec son corps. Le potager rassure, construit.
Emmanuel Coux