Le potager actuel s’est enrichi de plusieurs plantes, faciles à cultivées et très riches d’un point de vue nutritique comme par exemple la pomme de terre qui a dans certaines régions éradiqué la famine.
Alimentation et impôts en céréales
Les légumes du potager étaient les parents pauvres de la cuisine. Au moyen-âge ils étaient assimilés aux « racines » que l’on mangeait lorsqu’on avait rien d’autre. Evidemment, plus on était riche, plus on mangeait de « viande » et d’aliments gras. D’ailleurs les exemples sont nombreux de seigneurs souffrant de « goutte », maladie due à une alimentation trop riche.
Cependant, le gros de l’alimentation ne provenait ni de la viande, ni des légumes, mais des céréales. Outre les différentes espèces de blé qui étaient cultivées, il y avait de l’Orge, de l’Avoine et du Seigle, ces derniers cultivés en hautes altitudes. Les comptes de châtellenies de Lompnes mentionnent les paiements de l’impôt d’abord en Froment, puis en Orge et en Avoine dans une moindre mesure. Le seigle n’est mentionné qu’une fois (Est t-il compté dans la payement de l’impôt?) Est -ce à dire qu’à l’époque on avait le choix que l’impôt soit payé d’abord en Froment, Orge et Avoine ? Bien que le seigle était une céréale facile à cultiver (même sous des latitudes difficiles et des sols pauvres) cette céréale pouvait amener une maladie assez fréquente au moyen-âge, due à un champignon : l’ergot du seigle.
Le seigle et l’ordre des Antonins
Cette maladie se transmettait en consommant du seigle contaminé. La maladie ressemblait à une lèpre. Et le malade souffrait énormément : il avait l’impression de brûler. Saint Antoine était alors invoqué contre la maladie soit pour la prévenir, soit pour calmer les douleurs. C’est l’ordre des Antonins qui était spécialisé pour apaiser les souffrants, grâce à un onguent fait à partir de Cochon. C’est pourquoi, on trouve dans l’iconographie, Saint Antoine avec un cochon et souvent avec un « Tau », qui est l’emblème de l’ordre.
L’ordre des Antonins est local puisque la maison mère est situé à Saint Antoine en Viennois dans le Dauphiné. C’est pourquoi on trouve beaucoup de « commanderies » ou de « Préceptories » (monastères qui ont un certains rang dans la hierarchie antonienne) dans les anciens états de Savoie: il faut citer celles (disparues mais qui étaient très puissantes) de Bourg en Bresse et de Chambéry et celle (dont l’église et les bâtiments existent toujours) à Saint Antonio di Renverso dans le val de Suse.
Saint Antonio di Renverso dans le Val de Suse (Italie) abrite un cycle de fresque assez admirable, une des rares oeuvre non détruite du peintre de cour savoyard, Jacquomo Jacquerio. Plus proche de nous, l’église de Vieu d’Izenave comporte un fragment de fresque qui représente Saint Antoine (Probablement du XV e siècle). Ce fragment de fresque peut indiquer soit une possession de l’ordre (terre(s), pré(s), autres…) soit une protection contre l’ergot du seigle (au moyen-âge on ne connaissait pas l’origine de la maladie). Le seigle était surement cultivé sur les hauts plateaux du Bugey.
Le Potager au moyen âge dans la Bresse, Bugey, terres des Comtes de Savoie.
Pour ce qui est de la composition d’un potager, nous pouvons en avoir une idée d’après les comptes de chatellenie de Pont d’Ain. Le château de Pont d’Ain était une résidence princière ; en tous cas le devient entre 1335 et 1355, dates où se résolvent les conflits entre la Savoie et le Dauphiné pour le contrôle de la plaine de l’Ain. De plus n’oublions pas qu’Amédée V sera de part son mariage avec Sybille de Bagé d’abord comte de Bresse de 1272 à 1285, date où il succède à son oncle en tant que comte de Savoie (et au passage où il évince son frère et son neveu). En 1355, le comte de Savoie gagne en plus l’hommage des seigneurs de Thoire et Villars qui étaient quasiment indépendant dans le Haut Bugey et notamment dans la combe de l’Oignin (combe du Val).
Dans ces comtes de chatellenie en 1337, 1338, nous apprenons plusieurs choses intéressantes. La première est que ces « jardins » sont fait dans les fossés du château (appelés « terreaux »). Ce n’est peut être qu’une partie des potagers. Il apparait que cette localisation est alors assez habituelle.
Le premier légume mentionné est la « Rave » ou plutôt, le « chou-rave », Brassica oleraceae var. Gongylodes famille des Brassicacées. C’est une sorte de Chou qui est alors très apprécié dans la Savoie ancienne (le Bresse et le Bugey faisaient alors partis de la Savoie). C’était le légume de choix. Nous avons ensuite comme mention l’Ail, les oignons, les poireaux et les choux.
Nous trouvons aussi mentionné les travaux dans le jardin tel que le sarclage, piochage et mettre du fumier. Il est aussi fait mention de la construction d’une clôture faire avec des fagots de bois. On pense tous de suite au plessis ou plessés, clôture faite sans clou, ni vis, ni ficelle.
La renaissance et la réforme vont modifier les habitudes alimentaires en profondeurs. Le XVI e siècle est aussi une époque de refroidissement. Ce sera le « petit âge glacière » qui culminera au XVIIIe siècle. La différence des moyennes de température entre l’optimum médiéval (période la plus chaude au moyen âge entre le Xe et le XIII e siècle) et la période la plus froide du petit âge glacière est entre 0,5°C et 1°C.
Les grandes découvertes vont apporter aux états de Savoie la culture du maïs. Cela donnera des plats comme la Polenta ou la « Polente » en Savoie actuelle et dans le Piémont (de consistance plus ou moins solide ou liquide) et la soupe de Gaude en Bresse (très liquide).
L’autre rupture importante est la réforme protestante puis la contre réforme catholique. Nous savons que la Réforme protestante est adoptée à Genève en 1533 et que Lyon avant d’être un bastion du catholicisme, sera un bastion du protestantisme. Ces derniers n’hésiteront pas vandaliser toutes les églises de la ville. La réforme prônée par Calvin, le « calvinisme » prône un mode de vie très austère y compris dans l’alimentation. La viande y est proscrite. Pour la remplacer et donner malgré tout une illusion de manger de la viande, les genevois cultiveront les « Cardons » : Cynara cardunculus de la famille des Astéracées.
Les catholiques dans une forme de concurrence avec les protestants adopteront l’austérité et les Cardons qui seront finalement cultivés de Genève à Lyon en Savoie et dans l’Ain et deviendront un met de choix surtout pour Noël.
Au XVII e siècle, l’Ain se sépare de la Savoie dont le centre de gravité se trouvera de fait, de plus en plus tiré autours de Turin. Les duc de Savoie vont introduire au XVII/XVIIIe siècles dans la plaine piémontaise qui est souvent inondée, surtout du côté de Verceil, la culture de riz.(Verceil est une ville à l’Est du Piémont qui a été acquise par la Savoie en 1427). Le riz deviendra de ce fait un des plats traditionnels des Savoyards, piémontais et Lombards avec les risottos… La région de Verceil est actuellement la région la plus productrice de riz en Europe.
Et bien sûr à la fin du XVIII e siècle et au début du XIX e siècle, nous voyons apparaître la culture de la pomme de terre qui sauvera définitivement l’Europe de la famine.
Emmanuel Coux